Portrait de Philippe BONGENDRE, philatéliste à l'abri de l'ennui

Qui es-tu ? Raconte-moi comment les timbres sont entrés dans ta vie. Pourquoi collectionnes-tu les timbres ?

J’ai 72 ans, et je passe ma retraite de notaire honoraire entre mes timbres et mes petits-enfants. Ma femme prétend que je préfère mes timbres, mais ce n’est tout de même pas vrai, même si j’ai une belle histoire d’amour avec mes timbres. J’avais 12 ans lorsque ma grand-mère m’a donné des cartons bourrés de timbres et d’enveloppes qui envahissaient son grenier et qu’elle tenait de sa mère décédée de longue date. L’exploration de ces cartons m’a amené à découvrir des milliers de timbres de pays inconnus et lancé dans un voyage de découvertes, digne des « voyages extraordinaires » de Jules Verne, mon auteur préféré. Sur chaque timbre apparaissait le nom d’un pays, ma curiosité me le faisais rechercher sur ma mappemonde ou dans mon atlas, ce qui m’a donné le goût de voyager et le plaisir de mieux connaître notre planète.

 

Trouver de nouveaux timbres pour enrichir ma collection, c’est vraiment pour moi comme une chasse au trésor continuelle, avec un avantage non négligeable : c’est facile et pas cher. Ce qui me plaît bien, c’est que chaque timbre est répertorié dans le catalogue avec son numéro, sa côte, je sais de suite s’il est rare ou commun, chaque timbre me fait découvrir un personnage, un monument, un animal, une fleur, un morceau de l’histoire d’un pays, et de la sorte je n’ai jamais fini d’apprendre, de découvrir et de m’émerveiller.

 

Que collectionnes-tu ?

Ayant eu la chance de commencer avec des timbres du monde entier, je n’ai pas voulu me limiter à un ou plusieurs pays favoris. Dès le départ j’ai collectionné le monde entier. J’ai fait de très nombreux échanges avec mes copains de classe d’abord, puis avec des correspondants du monde entier. Adulte j’ai dû délaisser un peu mes timbres à cause de mes obligations professionnelles et familiales, pendant ce temps ma mère a repris un peu le relais des collections. Malgré cela, je n’ai jamais décroché et je ne manquais jamais une occasion d’enrichir ma collection : je me rappelle qu’un jour, il y a une vingtaine d’années, un marchand de timbres avec lequel j’avais des relations amicales m’a donné l’occasion d’acheter pour un tout petit prix tout un stock de timbres non triés, des classeurs, des collections entières, des cartons, j’en ai rempli le coffre et la moitié de ma voiture. Quand on sait qu’il y a environ 4.000 timbres dans un kilo, je vous laisse imaginer le nombre qu’il y en avait et la tête de ma femme le soir quand j’ai ramené tout ça à la maison ! Bref j’ai passé plus de dix ans à trier tout cela, pays par pays, et depuis dix ans, je mets la touche finale à toutes mes collections où chacun de mes timbres est répertorié avec un soin extrême sur mon ordinateur.

 

 

Quelles sont tes plus belles pièces ?  

 

 

Le timbre que je regarde avec le plus de respect c’est le 50 franc burelé poste aérienne de 1936 que ma mère, enfant, avait acheté à la Poste pour l’offrir à sa grand-mère qui allait mourir l’année suivante, lequel timbre, par chance, est resté dans les cartons dont j’ai hérité par la suite, au lieu d’aller se ranger dans la grande collection de mon arrière-grand-mère qui malheureusement pour moi a été léguée à un autre héritier non philatéliste. 

   Pourquoi avoir adhérer à l’A.P.V.A. ?

Cela fait cinq ou six ans que j’ai adhéré à l’A.P.V.A. pour y rencontrer d’autres passionnés comme moi avec qui je pourrais échanger des timbres.

 

    Penses-tu que la philatélie soit encore un loisir en vogue aujourd’hui ?

En vogue c’est beaucoup dire, car c’est tellement plus facile pour les jeunes de se coller le nez devant un écran, mais cela reste un loisir sain et agréable pour tous ceux qui essaieront de s’y initier, permettant de mieux connaître le monde, son histoire, ses merveilles.

   Comment vois-tu l’avenir de la philatélie ?

Difficile d’être très optimiste, avec internet et les téléphones mobiles plus personne n’envoie de ses nouvelles par courrier, peu d’enveloppes ou de colis voyagent encore par la poste avec un beau timbre d’affranchissement, le timbre oblitéré ayant réellement servi devient de plus en plus rare. Quant à l’avoir neuf, ce n’est qu’une question d’argent : il n’y a aucun mérite à avoir un timbre neuf puisqu’il suffit de l’acheter. De plus en plus de collectionneurs arrêtent l’achat des nouveautés face à la dépense. L’évolution de la société va encore diminuer l’usage du timbre-poste à l’avenir, peut-être jusqu’à sa disparition totale, mais ce ne sera pas la mort de la philatélie, bien au contraire. Le timbre restera un objet de collection recherché comme une antiquité, avec sa côte officielle.

 

    Quels conseils donnerais-tu à un philatéliste en herbe ?

Difficile de commencer aujourd’hui une collection du monde entier, mon arrière grand-mère était abonnée aux timbres du monde entier jusqu’en 1937, ce serait impossible aujourd’hui, mais les jeunes trouveront leur bonheur en se limitant à un ou quelques pays de leur choix, ou en constituant une collection thématique facile de leur goût (animaux, oiseaux, poissons, trains, avions, fleurs, sports…) ou spécialisée (inventeurs, navigateurs, musiciens, artistes…) les possibilités sont infinies.

   Et pour finir, un dernier mot en conclusion de cet entretien.

Grace à la philatélie j’ai une chance extraordinaire : je ne m’ennuie jamais. J’ai toujours quelque chose à trier, à ranger, à classer, à chercher. Même quand j’ai fini il y en a encore qui arrivent. Bref, le jour de ma mort, même si c’est dans très longtemps, je n’aurai pas fini, je ne connais pas l’ennui, et ça c’est une facette du bonheur.